Questions à Vincent Maestracci
Congrès de l'APEMu, octobre 2013.
Questions à l'Inspecteur Général V. Maestracci.
Une soixantaine de personnes sont présentes.
Présentations par le Principal du Collège, par M.Cagnard, IPR/IA
Introduction par V. Maestracci.
Nous sommes souvent dans la mise en œuvre de chantiers « lourds, complexes » et dans les questions qu'ils suscitent.
Rentrée 2015 montre les premières conséquences de la refondation
Chantier du socle, le mot « culture » dans ce socle. Je déplore depuis longtemps que nous soyons passés de façon subreptice de la notion d'enseignement artistique à celle d'éducation artistique et culturelle.
Les réformes en amont et aval du collège n'ont pas touché ce dernier. Je n'oublie pas le lycée, la réforme qui a abouti au baccalauréat 2013. Le Ministre disposera de rapports pour cette indispensable nouvelle réforme. Ses conséquences sur les flux d'élèves « sont assez lourdes ».
Autre chantier : création des ESPE, le métier d'enseignant est un vrai métier qui a besoin d'une formation professionnelle.
Émergence d'un mot valise : le parcours. La loi de 1988 impose toujours l'éducation musicale, la nouvelle loi introduit l'éducation artistique et culturelle. Le parcours est un horizon, un objectif. Des chiffres parus dans un rapport l'an passé estiment que, chaque année, 10% profitent de cette éducation, l'ambition est de s'occuper des 90% autres, « ambition colossale, considérable ».
On passe aux questions.
Comment sera garantie la maîtrise des enseignants sur la pédagogie ? Quelle garantie pour l'insertion de cette éducation dans l'éducation musicale, quelles garanties statutaires.
V. Maestracci : Une certaine inquiétude naturelle ne doit pas se transformer en paranoïa. C'est quelques fois justifié. Certaines inquiétudes sont légitimes, d'autres excessives. Le code de l'éducation pose des fondamentaux qui doivent nous être rassurants, gardant les enseignements artistiques obligatoires. Une circulaire du 3 mai dernier pose un pilotage État Education Nationale / État Culture et Collectivités. 1Er principe : le parcours ne se substitue pas aux enseignements mais se repose dessus. Il faut mobiliser le levier des enseignements et non les marginaliser, construire des dispositifs qui, à travers des projets éventuellement partenariaux, permettent d'enrichir les cadres fondamentaux des enseignements. Nous n'avancerons vers les objectifs assignés par la loi qu'en trouvant une cohérence entre les deux. Les professeurs d'éducation musicale et d'arts plastiques auront une fois de plus un rôle majeur pour cristalliser, pour l'élève, « un parcours riche, diversifié, un fil cohérent et continu qui suit l'ensemble de son itinéraire scolaire ». Une des priorités assignées au Conseil Supérieur des Programmes est de donner les repères pour un parcours d'éducation artistique.
Les moyens seront-ils alloués par l'Etat, par les Collectivités ?
V. Maestracci : Pour l'Etat, il n'y en aura pas d'avantage. Les moyens sont contraints aujourd'hui. Cette question ne se pose pas de façon abrupte. On voit une perte d'efficience due au fait de l'atomisation des responsabilités et des initiatives. Il faut construire ces formes de partenariats avec une cohérence qu'on n'avait pas encore trouvée. En finir avec la langue de bois et l'inefficacité. Garder l'équilibre des engagements des collectivités. Les problèmes sont aussi nombreux que les unités territoriales. Les moyens aujourd'hui disponibles doivent être efficients.
Avec, la diversité des recrutements, les statuts se multiplient chez nos jeunes collègues. Qui est stagiaire, master, rémunéré … ? A cette inquiétude s'ajoute le nombre de candidatures au CAPES.
V. Maestracci : Il faut raison garder. Le statut des professeurs a pour base les certifiés et les agrégés. Le paysage est certes compliqué cette année, avec les délais, les dates qui se croisent. On n'aura plus, l'année prochaine, que les contractuels standards et les professeurs stagiaire. C'était la condition pour réinstaller une année de formation professionnelle post-concours.
Les parcours universitaires, les parcours de musiciens restent une question. Un président de jury n'a pas le droit de poser de questions sur le parcours en conservatoire, pour équité. Ça serait pourtant utile. L'IG n'a pas de compétence au niveau universitaire. Nous avons des parcours universitaires considérablement diversifiés, au fil de nominations diverses parfois indépendantes de la musique. Un des enjeux de la création des ESPE est de mettre en amont des concours une préoccupation forte dans le recrutement. Beaucoup reste à faire pour que la réforme de la formation porte ses fruits. J'ai circulé l'année dernière pour interroger les universitaires ; des initiatives ont été prises pour de l'information sur la réalité de ce métier, au-delà des clichés portés par les familles et dont se gargarisent les journalistes, un métier qui peut être gratifiant, peut laisser place à l'initiative. Pour la première fois se dessine une inversion des tendances dans les chiffres. Sur cent postes, on n'a pas pu en proposer plus de soixante-quinze environ ; cette année, nos chiffres ne sont pas scandaleux. Sur les postes, « la musique fait ce qu'elle peut » pour permettre qu'un plus grand nombre d'étudiants s'intéressent au métier, en vue d'une augmentation du nombre de postes. Un IPR s'est fait reprocher par un Directeur du Personnel Enseignant de ne pas prendre un musicien qui avait fait du hautbois au conservatoire et avait le BEPC.
Une option de spécialité devrait engager plus d'élèves vers l'enseignement.
V. Maestracci : Une circulaire rappelle les parentés entre sciences et musiques. Les S peuvent aussi garantir des profils solides. La question que vous posez est la question du lycée, avec ses nombreuses séries et une perte de vitesse de la série L. On ne touchera pas à la place de la musique en enseignement de spécialité, pour sauver la série L. Notre problème est celui de la structure du lycée. On a eu un discours politique fort sur la sectorisation, et on a constaté un renforcement de la sectorisation. Des demandes de dérogations ont été refusées.
Le problème est que c'est le professeur qui est considéré comme responsable de la diminution.
V. Maestracci : Est-ce que notre enseignement de la musique au lycée est adapté à un accueil plus large, plus diversifié, pour des élèves non instrumentistes, sans ambition technique ? La maquette, les programmes ne sont pas toujours passés comme une lettre à la poste ? On s'est fait reprocher du jazz et du rock au programme. Sur le programme 2015, des musiques sans partition arrivent. 90% des musiques qu'on entend ont une diffusion orale. Pour un sujet comme celui de juin 2013, c'était du Mozart reconnaissable ; quelle culture de l'écoute donne-t-on à nos élèves ? Apprendre à écouter, ne pas se perdre dans des considérations d'analyse, de technique, de lecture.
En 2015, des pièces de Rameau seront à observer sur les différences d'interprétation. Une modification permettra d'écouter plusieurs pièces en cours d'épreuve.
Dans les textes de 2010, on parlait de partenariats avec les enseignants de l'éducation nationale (sans mention Education musicale). Y a-t-il à nouveau cette étiquette Education musicale. Retrouvera-t-on la particularité de notre métier ?
V. Maestracci : ces mentions ne sont pas au niveau de la loi mais de la circulaire. Il faut assurer une diversité des rencontres, des pratiques. Des projets s'articulent les uns avec les autres. Pourquoi refuser un partenariat salle d'Opéra / professeur de lettres ? Il lui faut savoir trouver des partenaires de diverses natures. Personne ne doit oublier le rôle original des musiciens et plasticiens ; vous aussi devez entraîner des partenaires dans ce sillage. Dans notre monde rien n'est sûr ; si le parcours se réalise, c'est qu'on aura pris ses précautions.
Remarque d'un participant : Ne pas oublier d'étiqueter les spécialisations de chacun et les formations.
Aurait-on pu imposer un cadre comme la chorale.
Réponse de Eric Fardet, DASEN de la Haute Saône : Mettons voyage à la place de parcours, de 6 à 16 ans. Quatre voyages doivent être garantis à tout enfant de France, la question n'est pas qui encadrera? Une rencontre avec un artiste, une structure extérieure. En quoi sommes-nous capables d'assurer ces voyages ? L'école au cinéma fonctionne. Garantir que 500, 600 élèves aient eu un parcours durant l'année.
Quel verbe utiliser ? : chaque élève devra-t-il ou pourra-t-il bénéficier d'un parcours ?
Eric Fardet : mettons rencontre à la place de parcours. A chacun de choisir la réponse.
V. Maestracci : le vocabulaire n'est pas stabilisé. Une rencontre n'est pas obligatoirement partenariale. On arrête de naviguer, précisons : sur un cycle, garantissons que tout élève ait participé à un projet, ce qui n'a rien à voir avec les statuts. Maintenant, j'entends cette orientation prise par des départements ; de l'autre côté, je rappelle aux politiques qu'une ambition doit avoir les moyens. Le parcours doit suivre l'ensemble du parcours obligatoire. Les travaux du C.S.P. travailleront à stabiliser ce vocabulaire. Je remarque qu'on n'a pas posé de questions sur l'histoire des arts, préoccupation principale il y a deux ans : cela montre notre capacité à assimiler, à « recycler ».
Ce parcours prend beaucoup de temps dans la formation et le travail des professeurs des écoles. On est déçu de ne pas avoir de cadrage solide. On a des propositions à faire aux collègues de collèges et lycées.
V. Maestracci : Nous avons des programmes en place depuis 2009. Ils firent couler beaucoup d'encre. Le programme en Education musicale laisse au professeur la latitude de construire son enseignement dans une perspective globale. Qu'en pensez-vous ? Faut-il rester dans cette logique ? Ou êtes-vous nostalgiques d'un passé ?
Nous avons les élèves de 6e à 3e, mais un élève qui change de collège ou de professeur en cours de route ne peut bénéficier de cette construction. Les autres disciplines sont certes plus fractionnées que la nôtre.
V. Maestracci : On a des possibilités différentes. Le changement de collège est une exception gérable. Soit on définit un corpus de savoirs à transmettre (comme en histoire), soit on a à mobiliser des connaissances, à les maîtriser. Le découpage horaire dans d'autres disciplines posent de plus gros problèmes. Les conséquences sont moindres dans notre discipline.
Notre enquête sur le terrain avec 1060 réponses a-t-elle été lue au Ministère ?
V. Maestracci : Je lis le bulletin de l'APEMu, toutes les contributions sont à prendre en compte. Veiller à franchir des étapes en posant des textes de référence (plus que programmes) avec les objectifs et leurs modalités d'application, en faisant appel à la créativité des professeurs. Les programmes de 2009 ont été une étape tranchée, forte, sur l'évolution des programmes. La suivante sera moins tranchée, elle ira de l'avant vers une modernisation des objectifs de l’Éducation musicale et des ses moyens. Le Ministre veut faire rentrer le numérique dans l'enseignement, la musique est immédiatement concernée.
Propos relus et corrigés par l’auteur.
Secrétaire : Patrice Latour