Compte Rendu Audience Avril 2024

Jérôme Thiébaux

2 Avril 2024
Compte rendu d’audience au Ministère de l’Éducation Nationale

Jérôme THIÉBAUX, président et Karine MARCHAL, vice-présidente et directrice de publication ont été reçus par Cécile LALOUX, conseillère pédagogique et Emma CARENINI, conseillère éducation artistique et culturelle auprès de la ministre de l’Éducation Nationale. 

L’APEMu présente ses actions et ses missions, en écho de l’enquête nationale 2022 et la contribution à la mission “Exigence des savoirs”, envoyée en amont du rendez-vous. L’APEMu compte à ce jour 700  adhérents. Cela représente plus de 10% des professeurs d’éducation musicale. L’audience du jour est coordonnée avec l’association POLYCHROME-EDU, qui représente les enseignants d'Arts plastiques.

Jérôme THIÉBAUX présente les principales inquiétudes des enseignantes et des enseignants en espérant avoir des réponses ouvrant sur des perspectives d’apaisement. Ces inquiétudes portent sur le devenir de l’éducation musicale au collège, comme enseignement obligatoire pour toutes et tous les élèves, pendant l’ensemble de la scolarité, et une heure par semaine. Les inquiétudes sont partagées par les professeurs d’arts plastiques.

Le premier constat est que les enseignants des disciplines artistiques, éducation musicale et arts plastiques se sentent en mal-être, ayant le sentiment que la qualité de leur travail et le bien-fondé de leur mission ne sont pas reconnus.  L’APEMu souligne l’attachement et la grande mobilisation des enseignantes et des enseignants  pour une éducation musicale et des arts plastiques pour tous les élèves. Les professeurs sont conscients de cet enjeu républicain quand ils entrent dans le métier. 

Les annonces faites par le président de la République sur l’introduction d’un enseignement obligatoire de théâtre et d’histoire de l’art dans les collèges ont contribué à une perte de repères pour les enseignants des disciplines artistiques obligatoires au collège. Comment introduire un nouvel enseignement sans en supprimer ? Comment faire de la place à moyens constants sans qu’une matière ne soit perdante ?  Une réforme, annoncée par la ministre Amélie Oudéa-Castéra, de l'éducation artistique et culturelle sans en  donner le cap ni le but, a contribué à augmenter le sentiment d’incertitude et l’impression d’une confusion entre enseignements artistiques et éducation artistique et culturelle laissant supposer un plan de suppression des enseignements artistiques tels que institués au collège et dans le code de l’éducation. Dans la suite de ces inquiétudes, les enseignantes et les enseignants reçoivent des injonctions à faire savoir ce qu’ils et elles font pendant le cours d’éducation musicale sur la plateforme ADAGE. Si nous comprenons la nécessité de renseigner les parcours artistiques et culturels des élèves, devons-nous justifier nos actions et nos enseignements ?  Est-ce une remise en cause de ceux-ci ? 

Au-delà de ces inquiétudes qui ont motivé l’audience, l’APEMu alerte sur les conséquences de la mise en œuvre du Choc des savoirs au collège. Ces inquiétudes concernent la semestrialisation, et les options facultatives. Des informations parviennent  jusqu’à l’association concernant le choix d’une semestrialisation de nos disciplines artistiques. Celle-ci est déjà possible dans l'organisation du collège mais fait figure d’exception. Les difficultés de mise en œuvre des groupes dans certains établissements favoriseraient cependant cette solution. Pour l’APEMu, ce n’est pas envisageable. L’éducation musicale ne peut se passer d’une quotité horaire sur toute l’année. La semestrialisation constitue un problème pour le travail de fond avec chaque élève, notamment ceux en difficulté. Enfin, une semestrialisation irait à l’encontre des préconisations du Choc des savoirs sur la nécessaire continuité pédagogique au long d’une année scolaire. L’APEMu complète son exposé par les récentes recherches sur les sciences cognitives et la pratique de musique, démontrant qu’une pratique régulière de 2 heures est la clé pour un transfert des apprentissages. 

L’organisation nouvelle qui se dessine au collège inquiète aussi au regard des propositions d’enseignement facultatif de chant choral. Quid du plan choral et de l’importance de ses pratiques au regard des éventuelles difficultés de mise en œuvre ? Il y a quelques jours, l’APEMu a lancé une enquête sur les prévisions des moyens alloués à l’EFCC et nous constatons, après plus de 800 réponses, que près de 28% des enseignants ne touchent qu’une heure par semaine au lieu des 72h préconisées dans le vade-mecum. Un certain nombre de collègues nous alertent sur la suppression de l’option enseignement de chant choral, pour libérer des heures et les attribuer aux groupes. Même si cela ne représente pas un nombre alarmant (5% des réponses du sondage), il n’est pas admissible pour l’APEMu que des enseignantes et des enseignants soient soumis à ces choix, contribuant à la destruction de leur travail. 

L’association a aussi été avertie de rumeurs d’optionnalisation. Si l’éducation musicale devient une option, comment aborder l’avenir serein des enseignants déjà formés, sur la discipline et la pédagogie ? Cette forte inquiétude concerne environ 15000 enseignants en éducation musicale et arts plastiques. Les pays qui ont fait un choix d’optionnalisation sont en recul de cette décision.

L’APEMu pose aussi la question de la refonte du brevet, qui pourrait être basée sur une inégalité entre disciplines, et l’APEMU s'inquiète de voir l’éducation musicale coefficientée au regard des autres disciplines.

CL et EC nous remercient pour nos contributions. Elles ont toutes été utiles. Cependant le Premier Ministre Gabriel Attal a choisi une ligne directrice autour des savoirs fondamentaux. Les champs disciplinaires sont requestionnés. La révision des programmes se fera sur la quasi-totalité de l’éducation (école/collège). Le souhait du MEN est de repenser l’organisation, davantage sur le français et les mathématiques, ainsi que sur des parcours aménagés en fonction du besoin des élèves. De nombreux élèves sont en risque de décrochage, l’hétérogénéité est telle que les enseignants se sentent parfois en difficulté.

Sur la question des groupes, le MEN est conscient des inquiétudes de l’APEMu et a invité les directeurs et directrices académiques à reprendre le dialogue avec les établissements et les personnels de direction  : les groupes  de besoins ne peuvent se faire au détriment des dispositifs qui fonctionnent et sont efficaces. La chorale en fait partie.  Le MEN n’est pas dans une volonté de mettre en péril ce qui fonctionnait auparavant. Il n’est pas question de supprimer les enseignements artistiques et les enseignements optionnels. 

Le MEN nous rejoint sur les apprentissages des acquis dans le domaine de l’éducation musicale et le lien avec les savoirs fondamentaux qui sont très utiles ainsi que sur les aspects des sciences cognitives que l’éducation musicale met en œuvre. Les méthodes de lectures qui vont dans le sens musical, notamment rythmique, sont très étudiées. 

Sur la question des inégalités et en parallèle avec la continuité des parcours, la ministre a une ambition de mixité scolaire. Le souhait est d’implanter des horaires aménagés vers des établissements qui ont des classes sociales moins favorisées afin de créer de la mixité pour que les dispositifs puissent s’ouvrir dès la rentrée 2024.
Construire des parcours, donner la possibilité à des élèves de faire le parcours, la volonté du MEN est d’améliorer ce point dans les académies. Elle souhaite monter une cartographie, pour un avoir un vivier d’élèves tout en questionnant la conservation de ce vivier d’élèves présents dans le dispositif.

En ce qui concerne la proposition de l’APEMU sur une plus grande offre artistique au lycée, le MEN est conscient que celle-ci pourrait être plus développée, notamment en lycée professionnel. Le MEN souhaite une offre artistique générale pour tous les lycéens.

En ce qui concerne le primaire, la priorité est aux savoirs fondamentaux, mais pas au détriment des autres disciplines. On peut constater un déficit de compétences ou d’appétence de certains enseignants pour les disciplines artistiques, ce qui pose la question de la formation initiale et continue des enseignants du primaire. Le MEN souhaite agir sur la formation pour favoriser une ouverture pour les enseignements artistiques.

Le MEN propose à l’APEMu de faire des propositions sur deux dispositifs du choc des savoirs :

-        Le 8h/18h dans les établissements prioritaires qui sera prochainement mis en place. Cet accueil est élargi pour offrir à davantage d’élèves une fréquentation et des activités et expériences plurielles.

-        Le second dispositif : Donner plus de temps aux élèves de prépa seconde pour construire leur projet d’orientation, mieux se connaître. Dans le schéma imaginé par le MEN, la pratique artistique sera indispensable dans la grille horaire. Cela devrait être un espace de réussite et de révélation, pour renouer et renforcer leur pratique.

Le MEN rassure l’APEMU en ce qui concerne l’éducation musicale dans le cursus des élèves. Il n’y a pas de suppression ni de refonte prévue de l’éducation artistique, ni en éducation musicale, ni en arts plastiques. et pas d’optionnalisation. Pour répondre au désir présidentiel sur le théâtre, le MEN ne prétend pas le faire au détriment des autres enseignements ni au détriment du plan choral. De fait, des restrictions budgétaires ne permettront pas de créer des professeurs d’enseignement du théâtre dans un délai court.

En revanche, le MEN réfléchit sur la refonte de la « culture générale ». La question de l’histoire de l’art et la question de la culture générale se feront en écho avec le nouveau socle commun. La volonté du MEN est de permettre à tous les élèves d'avoir tous les repères communs donc il y aura donc certainement une refonte de l’oral, pour permettre à l’élève de témoigner de sa culture. Enfin, dans la réflexion, ce qui sanctionne le parcours au collège est de donner la même valeur à tous les enseignements. Si on applique des coefficients, cela donne de la valeur à certaines disciplines et non à d’autres, ce qui n’est pas le souhait du MEN. C’est contraire à l’esprit du collège.

La refonte du DNB  se fera sur 3 étapes
1) suppression des correctifs académiques
2) 2025 modification de l’équilibre, nouveau calcul pour le nouveau socle mais avec le même DNB
3) refonte surtout session 2026 avec nouveau mode de calcul, incluant les notes que les enseignants auront renseignées tout au long de l’année.

Pour la question sur ADAGE, ce dispositif permet de garder la trace d’un parcours mais l’enseignement n’est pas constitutif d’un parcours. Il ne s’agit donc pas d’y intégrer les cours. Les acteurs culturels ont également besoin d’être sur cette plateforme. Le Pass Culture permet de faire sortir les élèves mais également de faire entrer les artistes dans les établissements scolaires. 

Nous terminons l’entretien en invitant nos interlocutrices à nos journées de l’éducation musicale, qui se dérouleront à Lille en octobre 2024.