Chorales : lettre à Mme la Ministre

Anne-Claire Scebalt

Voici le courrier adressé à Mme la Ministre.

Madame la Ministre,

Suite à l’audience que vous avez bien voulu accorder à l’APEMu auprès de votre conseillère Agathe Cagé, je vous remercie pour l’intérêt et l’attention que vous portez à la question des chorales. Lors de cette entrevue Madame Agathe Cagé s’est fait votre porte-parole et a réaffirmé l’attachement du Ministère aux pratiques collectives, en particulier à la chorale et reconnaissant l’importance sociale jouée par ces dernières constituant le liant des établissements scolaires. Néanmoins s’il est une réelle volonté politique de promouvoir ces pratiques, la réponse complétée a posteriori dans notre compte rendu par Madame Agathe Cagé nous laisse pour le moins inquiets.

La circulaire n° 2011-155 du 21-9-2011, prévoit que « La quotité horaire de référence pour la prise en charge d'une chorale en collège ou lycée reste de deux heures/semaine. La spécificité du travail nécessaire, la fréquente multiplication des répétitions à l'approche de la fin d'année, l'organisation d'un ou plusieurs concerts publics dans un lieu professionnel extérieur et la concertation avec les professionnels associés justifient cette référence ». Madame Agathe Cagé a convenu avec nous que les pratiques chorales sont florissantes, que cette pratique collective apparaît comme l’outil parfait de la mise en œuvre de la fraternité et du mieux vivre ensemble dans les établissements scolaires et pourtant ce texte de référence serait remplacé par « les enseignants (prenant en charge une chorale) qui pourront aussi prétendre à une indemnité pour mission particulière (IMP) ». Passant de la circulaire de 2011 à cette proposition, une nette régression apparaît dans la reconnaissance portée à la chorale. Deux éléments nous interpellent particulièrement.

« Pourront prétendre » induit une très forte incertitude et d’ores et déjà une inégalité dans le traitement des différentes chorales. Sans présumer des choix que seront faits, nous craignons que l’IMP ne soit attribuée à d’autres missions, mettant en péril le devenir des chorales et la qualité des projets menés. La question de l’IMP a été longuement discutée avec Madame Cagé mais nous sommes en mesure d’apporter de nouveaux éléments tangibles fondés sur les résultats d’un sondage mené auprès de 595 professeurs ayant en charge une chorale. L’IMP a vocation à rémunérer le travail qui n’est pas  « devant élève », pourtant 86,5 % des enseignants doivent faire des heures supplémentaires devant élèves pour pouvoir réaliser le(s) spectacle(s) de la chorale1 et près d'1/3 des enseignants réalisent ces heures hors temps scolaire (soirs, week end). Sans ces répétitions supplémentaires les spectacles ne pourraient avoir lieu. Est-ce à dire que ces heures supplémentaires seront rémunérées par l’IMP alors même qu’il s’agit d’heures devant élève ? Alors que ces heures étaient prises en compte dans la circulaire de 2011, il semble bien que le cadre de l’IMP ne soit pas adapté.

Il est également important de noter que ces heures sont effectuées devant des effectifs qui dépassent très largement l’effectif d’une classe sans que cela ne soit pris en compte. Ainsi, 60,2% des chorales ont un effectif qui dépasse celui d'une classe2Quel autre enseignant accepterait ces conditions ? Il apparaît que non seulement les enseignants d’éducation musicale l’acceptent mais surtout promeuvent cette pratique collective voyant leurs groupes augmenter d’année en année. Comment cette spécificité et la charge que cela représente (gestion du groupe, préparation des documents, organisation, etc.) seront prises en compte ?

Comme le prévoyait la circulaire de 2011, la spécificité du travail conduit par les professeurs d’éducation musicale, la multiplicité des tâches faisant appel à une grande expertise (écriture d’arrangement, composition, partenariat avec des structures extérieures ou avec d’autres champs artistiques de l’établissement) mais aussi les très nombreuses heures consacrées à ce travail, justifiaient également cette deuxième heure. Qu’en sera-t-il avec l’IMP ? Peut-on imaginer que l’on offre à un enseignant 0,25h d’IMP pour assumer cette lourde tache ? Il nous semble qu’il n’y a aucune commune mesure entre le travail mené dans le cadre des projets chorale et les autres missions qui seront indemnisées par l’IMP.

Enfin, l’évidence des apports de la chorale n’est plus à démontrer. J’avais eu l’honneur d’attirer votre attention sur le formidable outil qu’est cette pratique collective pour la mise en œuvre de votre politique de réforme du collège tournée vers la réussite de chacun et vers la fraternité. Cependant, l’investissement des professeurs dans les différentes actions conduites par le ministère (Ecole en Chœur, fête de la musique), la réalisation des spectacles (plus de 2 concerts par année scolaire pour 75% des chorales)3 et la qualité de ces derniers ne pourront plus être garantis dans une proposition telle que « les enseignants pourront prétendre à l’IMP ».

Au regard de tous ces éléments, nous nous interrogeons sur les réponses qui seront apportées à la spécificité des chorales. La question de la rémunération sera un enjeu majeur quant au devenir de cette pratique collective et il nous semble difficile d’imaginer une régression par rapport à la circulaire de 2011.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, l’expression de notre très haute considération.

1 Heures supplémentaires effectuées devant élèves : Quelques heures : 13,4% / 5-10 heures : 20,1% / 10-20h : 27,5% / 20-30h : 21,9% / + de 30 : 17%

2 - de 20 élèves : 12,9% / 20-30 élèves : 26,9% / 30-40 élèves : 20,4 % / 40-50 élèves : 13,4 % / 50-60 élèves : 9,7 % / + de 60 élèves : 16,7 %

3 1 concert par an : 25,6% / 2 concerts par an : 43,2% / 3 concerts par an : 26% / 4 et + : 10,6%