Entretien avec l’Inspecteur Général

Anne-Claire Scébalt

 

 

Chorale

 

A la demande du cabinet de la ministre, l’inspection générale et la DGESCO travaillent à une meilleure reconnaissance de la chorale.

Rémunération : les textes laissent une large latitude aux chefs d’établissement qui ont une part plus grande d’autonomie dans leur dotation, passée de 7% il y a quelques années à 20% aujourd’hui. Seulement, les 13% supplémentaires sont réglementairement encadrés et ne peuvent concerner la chorale…  Obtenir 2h pour tous est utopique dans le contexte actuel. Au mieux, nous pouvons espérer une heure et des moyens complémentaires mobilisés au regard de la charge effective du projet mis en œuvre. L’inégalité (iniquité) de traitement de cette situation par rapport à d’autres (EPS, SVT, SES…) s’explique pour partie par le peu de poids du lobby éducation musicale/musique auprès des autorités ministérielles.

Chorale au brevet : une circulaire va bientôt être publiée ouvrant la possibilité aux élèves candidats de présenter le projet chorale auquel ils participent au titre de l’épreuve orale du DNB. La soutenance pourra prendre différentes formes relevant d’un cadrage national qui sera prochainement diffusé.  Il ne pourra cependant s’agir d’un mini concert même si un bref moment d’interprétation musicale pourra venir illustrer le propos du candidat.

 

Site éduscol

 

La situation est en train de s’éclaircir et nous travaillons avec la DGESCO, la DNE et Canopé à reconstruire un site national de référence pour l’éducation musicale, site national qui soit aussi à l’interface des sites disciplinaires académiques.

 

Evaluation au collège

 

Q :

En cette période de bulletins trimestriels, la charge de travail liée à la double, voire triple évaluation (si on intègre les compétences du socle) est très lourde. L’outil – privé - PRONOTE influe sur les modes d’évaluation et donc sur le contenu des cours, ce qui est illogique et très contestable.

 

R :

L’évaluation est de la responsabilité de l’enseignant.

La DEGSCO va prochainement proposer des exemples, des témoignages de situations d’évaluation dans la double perspective de l’évaluation des progrès des élèves en éducation musicale et la contribution de la discipline à l’évaluation des compétences du socle. 

 


 

Lycée : bac option facultative

 

Longueur des œuvres

 

Q :

En option comme en spécialité, les programmes sont très lourds. La longueur des œuvres ou le grand nombre de pièces dans les groupements oblige les enseignants et les élèves à renoncer aux moments de pratique pour préparer au mieux l’interrogation. Par ailleurs, les conditions horaires très inégales (peu de collègues ont 3h) ne permettent pas d’aborder le programme sereinement.

 

R :

Ce n’est pas le cas chaque année, mais il était préférable, pour l’Affaire Tailleferre, de pouvoir balayer l’ensemble de l’œuvre. Nous sommes cependant conscients de ce problème et il est prévu de parvenir à des programmes plus légers pouvant davantage correspondre aux horaires réduits dans beaucoup de lycées. Cet allègement sera sensible dès 2018 avec, en remplacement du Mozart, une œuvre plus « légère ». À terme, le point d’équilibre sera plutôt 2 pièces pour l’option facultative et 3 pour l’enseignement de spécialité en série L. Mais doit-on s’interdire de mettre une symphonie de Mahler au programme ou un opéra en raison de leur longueur ?

 

Variété du répertoire

 

Q :

Cette année, les 3 œuvres du programme appartiennent au répertoire « savant », cela ne contribue pas à l’attractivité de l’option pour des lycéens qui ne fréquentent ni conservatoire ni école de musique. Peut-on revenir à une plus grande mixité de répertoire ?

 

R :

Le maintien d’une cohérence verticale (équilibre des programmes successifs) et d’une cohérence horizontale (équilibre du programme chaque année) est très complexe. Les contraintes sont telles que ces deux exigences ne peuvent toujours être simultanément satisfaites. Mais quoi qu’il en soit, la logique d’ouverture à la diversité des répertoires sera toujours préservée et restera une exigence première pour l’élaboration des programmes limitatifs. Comme le précise le programme récemment publié pour la session 2018, nous aurons de nouveau une œuvre d’un répertoire moins « traditionnel » au programme de l’option facultative. 

Il est à noter que les œuvres proposées au programme du baccalauréat se retrouvent très souvent dans l’enseignement au collège : c’est une façon d’enrichir les références culturelles de la discipline en y ajoutant des œuvres moins connues.

 

Renouvellement des œuvres

 

Q :

Pourquoi ne pas renouveler une œuvre par an et les garder 3 ans ? Cela permettrait aux enseignants d’inscrire leur action dans une durée, d’envisager des partenariats et cela allègerait la charge de travail pour des professeurs qui sont très souvent également en collège et par conséquent enseignent sur 7 niveaux.

 

R :

Il n’y a pas unanimité sur le sujet mais c’est une question qui nous continuerons à étudier avec attention.

Par ailleurs, s’il reste souhaitable de publier les programmes très en amont des années scolaires concernées, cela conduirait aussi à ce que se multiplient encore davantage les « prestations de service » visant la préparation de l’épreuve facultative proposées par diverses officines privées et publiques… Et ceci souvent dans un esprit bien éloigné de celui qui fonde l’enseignement de la musique au lycée.

 

Q :

Comment sont choisis les sujets ? Les professeurs peuvent-ils faire des propositions ?

 

R :

Oui, les professeurs peuvent faire des propositions et les adresser à leurs IA-IPR. La décision est prise in fine par l’inspection générale, mais toujours après échanges et concertation avec le corps d’inspection.

 

 

Candidats au baccalauréat

 

Q :

Est-ce que le nombre de candidats a diminué ces dernières années ?

 

R :

Non, au contraire ! Le nombre de candidats a augmenté. Malheureusement, cela est davantage dû à la multiplicité des documents disponibles en ligne et aux propositions de « prestations de service » (cf. supra) que par l’élargissement de l’offre d’enseignement dans les lycées.

 

Q :

Beaucoup de candidats « libres » ne passent pas par l’enseignement présentiel dans leur lycée. Pourrait-on :

-       inclure un système de contrôle continu, au moins partiel (Cf. EPS et TPE)

-       valoriser voire imposer à l’examen une pratique de groupe pour renforcer l’attrait du cours auprès des lycéens ?

-       changer le barème 7+13 points ?

 

R :

Ce sont des épreuves individuelles et il est donc délicat de fonder l’évaluation individuelle sur une prestation collective.  Ceci dit, il y a sans doute une réflexion à mener pour évoluer en ce sens malgré les résistances nombreuses à voir évoluer la forme traditionnelle de l’évaluation présidant à l’obtention du diplôme.  Il en va de même pour une évolution vers le contrôle continu ou en cours de formation.

La répartition des points a ses limites. Si on opte pour un 10 + 10, on risque de voir encore plus d’instrumentistes de haut niveau… instrumentaliser l’épreuve au prétexte de leur facilité à obtenir la moyenne…. Et bien sûr, cette compétence particulière ne serait pas le fruit de l’enseignement musical suivi au collège puis au lycée. La musique au lycée doit rester un « enseignement de culture », où la pratique musicale, très présente, s’envisage dans un ensemble de références et donne lieu à de multiples réflexions.           

Enfin, veillons à ce que les jurés restent attentifs à la philosophie, certes de l’épreuve, mais surtout de l’enseignement de la musique au lycée qu’elle vise à sanctionner. Par exemple, la présentation de la pièce interprétée est trop souvent prise à la légère alors même que c’est elle qui est le plus juste reflet de la formation dispensée au lycée.

 

Q :

Il y a une immense disparité de l’offre sur le territoire, allant de quelques heures en fin d’année de terminale à 3h par année sur les 3 niveaux de lycée.

 

R :

On a du mal à connaître la réalité du terrain. Nous avons les chiffres pour 2014, mais les situations fluctuent chaque année. Il est souhaitable et nécessaire que les professeurs de lycée fassent remonter l’information auprès des IA-IPR et valorisent la formation en musique proposée par leur lycée, les concerts effectués, etc.

 

Comparaisons

 

Q :

Certaines académies proposent un CD de sujets élaborés en amont, que les jurys découvrent en même temps que le candidat. Cela évite les exigences disproportionnées de certains jurys. Peut-on étendre ce système à l’échelle nationale ?

 

R :

On peut difficilement imaginer un système national d’élaboration des sujets, notamment en raison du risque de fuite que cela induirait. Harmoniser les sujets nationalement reste délicat car les situations locales sont divers (rôle des DEC, cultures pédagogiques, nombre de professeurs enseignant en lycée, etc.).... Mais il faut effectivement rappeler régulièrement  quelques règles sur le déroulement des épreuves et le choix des œuvres qui en sont les supports.

 

Modalité de l’épreuve pour Tailleferre

 

Q :

Le cadrage n’a pas été bien compris. Vidéo à comparer avec audio ?

Que devrons-nous évaluer exactement ?

Le candidat doit maîtriser 3 facettes :

-       les œuvres / esthétiques prises en références (Rameau, Offenbach…),

-       l’œuvre de Tailleferre,

-       les particularités de transformation d’une œuvre radiophonique en production scénique. On travaille sur la mise en scène, mais l’élève n’est pas interrogé sur la mise en scène.

 

R : Ce cadrage est un compromis entre diverses approches, toutes légitimes, de l’œuvre. Certes, Germaine Tailleferre est une compositrice à faire connaître. Mais on peut aussi réfléchir aux contextes qui contraignent la forme, à ceux de la diffusion (de la radio au DVD…), ou bien encore à la façon dont les artistes contemporains s’emparent d’une œuvre du passé pour qu’elle s’adresse au public d’aujourd’hui…. La question du pastiche ne doit pas occulter toutes ces perspectives. D’autres entrées sont pertinentes (notamment pour Le Bel Ambitieux et La Pauvre Eugénie)

Le problème est souvent que, en lycée, on se sent obligé d’entrer dans la partition… Mais on peut beaucoup apprendre sur la musique - et par elle - en ne mobilisant que son écoute.

 

Lycée : bac option de spécialité L

 

Recrutement des lycéens en L

 

Q ? La filière L souffre d’une image négative, le recrutement est difficile, il y a très peu de candidats au niveau national (environ 1100). On se heurte au problème du parcours de l’élève, à une image académique attachée à des études de type conservatoire. Cette section manque d’une vitrine, d’une véritable information sur les débouchés post-bac. Un film avait été fait il y a quelques années pour une formation CNED, on peut voir si on peut le diffuser pour montrer ce qu’il est possible de faire après un bac L musique.

 

R : Le problème est ancien et récurrent. La réforme du lycée mise en œuvre en 2010 visait à rééquilibrer les séries ce qui aurait pu mécaniquement permettre à un plus grand nombre d’élèves de suivre un enseignement artistique de spécialité. Cet objectif n’a pas été atteint même si l’érosion de la série L semble avoir été stoppée. S’il y a certes un déficit d’image de cet enseignement, il y a plus globalement un problème touchant l’organisation des séries générales qui sont moins identifiés par leurs contenus de formation respectifs que par leurs relations hiérarchiques. Une prochaine réforme du lycée général ne pourra faire l’économie de cette question et il s’agira alors de penser les enseignements artistiques dans le nouveau cadre qui ne manquera pas de se dessiner.

 

Q :

Y a-t-il une évolution envisagée concernant la concurrence faite à la spécialité musique par l’enseignement « enjeu du monde contemporain » ?

 

R :

Cet enseignement est dorénavant offert en terminale depuis la mise en œuvre de la dernière réforme du lycée. Il est incontestable qu’il déstabilise un certain nombre de situations au terme de la classe de première. Il faudra faire le bilan de cette possibilité de choix ouverte exclusivement en classe terminale et en tirer les conséquences à l’occasion d’une prochaine réforme du lycée.

 

 Q :

En arts du son, on constate un problème de recrutement, Affelnet répartit les lycéens de manière inégale, cet enseignement n’est pas dérogatoire. C’est pourtant une partie du vivier des L. Si les lycéens sont mal orientés, ils ne viennent pas pour autant en L car ils ne changent pas de lycée après la classe de seconde.

 

R :

Les situations sont diverses : dérogations, contingentement, etc. La situation n’est pas satisfaisante, des élèves motivés ne pouvant accéder à cette offre de formation qui reste rarement proposée. En outre, les élèves ne changent pas d’établissement au terme de la classe de seconde. Par ailleurs, l’institution doit gérer les flux d’élèves pour que tous aient une place dans un lycée. Sur certains établissements, la pression est telle qu’ils ne peuvent envisager d’accueillir des élèves en dérogation à la carte scolaire.

 

Déroulement de l’épreuve

 

Q :

La répartition à l’écrit (1h / 2h30) rend la rédaction de commentaire très difficile par manque de temps. 1h, c’est très court.

 

R :

Cette situation n’a pas posé de problème particulier jusqu’à présent et il n’y a pas eu de remontées en ce sens. Ceci dit, il est toujours possible de réfléchir à une évolution de cette répartition.

 

Q :

L’épreuve orale est trop courte aussi (30’), c’est plus court que pour l’option facultative !

 

R :

La musique est alignée sur les autres disciplines artistiques (arts plastiques, cinéma, danse, histoire des arts, théâtre). Reste cependant, étrange paradoxe, que la durée de l’oral de L est plus brève que celle de l’oral de l’épreuve facultative. Mais en L, il y a aussi un écrit…

 

 

Lycée : bac TMD

 

Recrutement

 

Q :

Une rencontre des TMD est organisée à Paris en avril 2017 à l’occasion de Musicora afin de médiatiser cette section peu et mal connue qui souffre de cet injuste déficit d’image. Cela peut contribuer à un recrutement plus important.

 

R :

Les CRR ont encore souvent des exigences qui empêchent un recrutement plus large. Pour y remédier, un verrou a sauté : la liste des œuvres imposées au bacalauréat n’existe plus. L’épreuve instrumentale demande aux élèves de présenter des interprétations de deux œuvres en référence à un « niveau cycle 3 » de conservatoire. Cela desserre les contraintes qui pesaient jusqu’alors sur le recrutement et ouvre des perspectives pour augmenter les flux concernés par cette série. Si nos partenaires jouent bien le jeu !  

 

Nouvelle épreuve analyse danse

 

Q :

Les nouvelles épreuves d’analyse danse cette année posent 2 problèmes :

-       l’analyse musicale (30 mn, un extrait d’1 mn) : c’est trop court, cela impose des extraits qui excluent tout développement

-       pour l’analyse chorégraphique, il y a un besoin urgent de sujets zéro

 

R :

Les sujets zéros seront publiés dans les jours qui viennent sur Eduscol et sur le site national ce qui devrait rassurer les inquiétudes exprimées.

 

Devenir de la TMD

 

Q :

Régulièrement, l’avenir de la filière est remis en question, d’autant qu’elle est la seule à ne pas avoir été réformée depuis sa création en 1977.

 

R :

Le MEN (DGESCO) et le MCC (DGCA) réfléchissent actuellement avec l’IGEN sur une réforme en profondeur de cette série. Plusieurs hypothèses sont étudiées mais il reviendra au cabinet de la ministre de décider des objectifs et donc du cadre de la rénovation. Instrumentistes et/ou métiers en lien avec la musique, danseur interprète et/ou métiers du spectacle vivant… Les perspectives sont nombreuses et toutes ne pourront être embrassées simultanément. Il faudra donc procéder à un choix de nature politique dès lors que toutes les possibilités auront été explorées.

 

Lycée : toutes sections

 

Q :

Au congrès APÉMu de Lyon, Xavier Turion  a évoqué une possible « réduction de l’offre des options ». Qu’en est-il ?

 

R :

Il y a déjà eu plusieurs rapports de la cour des comptes sur les coûts des options en lycée. Les données de cette question sont connues. Il nous faut travailler à accueillir un plus grand nombre d’élèves dans ces classes en travaillant aussi bien sur les conditions d’accès des élèves (place dans l’emploi du temps, possibilités de dérogation, etc.) que sur la nature de l’enseignement dispensé. Et finalement montrer concrètement la plus-value apportée par cet enseignement à la formation générale des lycéens qui peuvent en profiter.