Chorales : lettre aux députés

Hélène Thiébaux

 

À l’attention de ……

Député

…….

.......

 

 

Madame, Monsieur le……..

 

A l’heure de la réforme du collège et des nombreuses négociations à l’œuvre, l’APÉMu souhaite attirer votre attention sur certaines inquiétudes des enseignants d’éducation musicale concernant les pratiques chorale et instrumentale: quelles seront la place et la reconnaissance, par une rémunération adéquate, de ces enseignements dans le nouveau collège ?

            Pour l’APÉMu, la refondation de l’école, la réforme du collège et leurs orientations semblent favorables au développement des valeurs de la république telles que réduction des inégalités, élévation du niveau des élèves, promotion des valeurs citoyennes.

 

            Les pratiques chorale et instrumentale sont des outils privilégiés de mise en œuvre de ces valeurs dans les établissements scolaires. Ces pratiques ouvertes à tous sont de par leur singularité, orientées fondamentalement vers la réussite de chacun et le développement d’une réelle fraternité. C’est une pratique musicale gratuite, régulière et de qualité mise à la disposition d’élèves qui ne seraient pas toujours en mesure d’en bénéficier (tous, pour diverses raisons, n’ont pas accès aux conservatoires et écoles de musique). Elle se met au service des collectivités dans de nombreuses circonstances (cérémonies officielles, célébrations…) et par là même valorise l’image de ces collectivités.

           

A l’évidence, les apports des chorales et ensembles instrumentaux ne sont plus à démontrer. Or cet enseignement apparaît actuellement fragilisé.

           

Au regard de tous les éléments en notre possession, nous nous interrogeons sur la place qui sera réservée à cette spécificité dans le nouveau collège. La question de la rémunération sera un enjeu majeur quant au devenir de cette pratique collective et il nous semble difficile d’imaginer une régression par rapport à la circulaire de 2011 (circulaire n° 2011-155 du 21-9-2011). Cette dernière prévoyait que :

 

« La quotité horaire de référence pour la prise en charge d'une chorale en collège ou lycée reste de deux heures/semaine. La spécificité du travail nécessaire, la fréquente multiplication des répétitions à l'approche de la fin d'année, l'organisation d'un ou plusieurs concerts publics dans un lieu professionnel extérieur et la concertation avec les professionnels associés justifient cette quotité horaire».

 

Dans la circulaire n° 2015-057 du 29-4-2015 (Application des décrets n° 2014-940 et n° 2014-941 du 20 août 2014), il est spécifié que :

 

« Les heures d'éducation musicale consacrées à la chorale sont intégrées dans le service d'enseignement des enseignants qui en assurent l'animation. Chaque heure de chorale est ainsi décomptée pour sa durée effective. »

 

Le texte concernant les indemnités pour mission particulière semble apporter quelques éléments de réponse à nos inquiétudes quant à la rémunération de la deuxième heure (circulaire n° 2015-058 du 29-4-2015) : l'article 6 du décret n° 2015-475 du 27 avril 2015 identifie un ensemble de missions ouvrant droit à l'attribution de l'IMP dès lors que des enseignants ou CPE sont désignés pour la prendre en charge. Toutefois la mise en place de ces missions est conditionnée au respect des critères définis ci-après qui encadrent l'appréciation des besoins du service par vos services et les chefs d'établissement. [...]

9/ Les autres missions d'intérêt pédagogique et éducatif

Ces missions qui s'inscrivent notamment dans le cadre du projet d'établissement peuvent par exemple concerner la mise en œuvre des différents partenariats de l'établissement (avec des établissements scolaires à l'étranger, des entreprises, etc.), des coordinations diverses (par exemple de la vie lycéenne), l'implication dans des manifestations et rencontres liées à l'activité des chorales, l'organisation de voyages scolaires, ou peuvent être plus ponctuelles, en fonction des besoins spécifiques de l'établissement. Elles ont vocation, en fonction de la charge de travail effective qu'elles induisent, à ouvrir droit aux différents taux de l'indemnité.

 

            Mais les termes « peuvent par exemple concerner… » induisent une très forte incertitude et d’ores et déjà une inégalité dans le traitement des différentes chorales. Sans présumer des choix qui seront faits, nous craignons que l’IMP ne soit attribuée à d’autres missions, mettant en péril le devenir des chorales et la qualité des projets menés.

            Nous sommes en mesure d’apporter des éléments tangibles fondés sur les résultats d’un sondage mené tout récemment auprès de 595 professeurs ayant en charge une chorale. L’IMP a vocation à rémunérer le travail qui n’est pas  « devant élèves », pourtant 86,5 % des enseignants doivent faire des heures supplémentaires devant élèves pour pouvoir réaliser le(s) spectacle(s) de la chorale1 et près d'1/3 des enseignants réalise ces heures hors temps scolaire (soirs, weekend). Sans ces répétitions supplémentaires, les spectacles ne pourraient avoir lieu.

Est-ce à dire que ces heures supplémentaires seront rémunérées par l’IMP quand bien même qu’il s’agit d’heures « devant élèves » ? Alors que ces heures étaient prises en compte dans la circulaire de 2011, il semble bien que le cadre de l’IMP ne soit pas adapté.

Il est également important de noter que ces heures sont effectuées devant des effectifs qui dépassent très largement celui d’une classe, sans que cela soit pris en compte. Ainsi, 60,2% des chorales ont un effectif qui dépasse celui d'une classe. Quel autre enseignant accepterait ces conditions ? Il apparaît que, non seulement, les enseignants d'éducation musicale l’acceptent, mais surtout promeuvent cette pratique collective voyant leurs groupes augmenter d’année en année. Comment cette spécificité et la charge que cela représente (gestion du groupe, préparation des documents, organisation, etc.) seront-elles prises en compte ?

Comme le prévoyait la circulaire de 2011, la spécificité du travail conduit par les professeurs d’éducation musicale, la multiplicité des tâches faisant appel à une grande expertise (écriture d’arrangements, composition, partenariat avec des structures extérieures ou avec d’autres champs artistiques de l’établissement) mais aussi les très nombreuses heures consacrées à ce travail, justifiaient également cette deuxième heure. Qu’en sera-t-il avec l’IMP ? Peut-on imaginer que l’on offre à un enseignant 0,25h d’IMP pour assumer cette lourde tâche ? Il nous semble qu’il n’y a aucune commune mesure entre le travail mené dans le cadre de la chorale et les autres missions qui seront indemnisées par l’IMP. L’investissement des professeurs dans les différentes actions conduites par le ministère (Ecole en Chœur, fête de la musique), la réalisation des spectacles (plus de 2 concerts par année scolaire pour 75% des chorales)et la qualité de ces derniers ne pourront plus être garantis par une telle proposition.

 

A l’heure des nombreuses négociations à l’œuvre dans les différentes instances, l’APÉMu souhaite vous alerter sur les inquiétudes des enseignants à propos de ces imprécisions. Nous sollicitons votre soutien dans notre demande d’une véritable adéquation entre les objectifs affirmés de la réforme et une reconnaissance réelle du travail des enseignants, ici très spécifique. Une demande d’audience a été déposée le 20 octobre 2015 auprès de Mme la Ministre de l’Éducation Nationale concernant cette question. Cette demande est toujours sans réponse.

 

Le bureau de l’association et moi-même restons à votre disposition pour échanger sur ce sujet. Nous vous prions de bien vouloir agréer, Madame, Monsieur…….. député, l’expression de notre considération distinguée.

 

 

 

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