Chorales : courrier à Mme la Ministre

Anne-Claire Scébalt

À l’attention de Madame Najat Vallaud-Belkacem

Ministre de l’Éducation Nationale

110 rue de Grenelle

75007 Paris

 

Epinal, le 20 octobre 2015

 

Madame la Ministre,

 

            De nombreux textes officiels mentionnent les pratiques collectives et nous nous réjouissons de constater votre intérêt pour les chorales qui portent les missions républicaines et citoyennes de l’école. Comme nous, vous avez remarqué que la chorale au collège comme au lycée est le meilleur endroit où la fraternité et l’égalité s’éprouvent au quotidien. Sans esprit de compétition ou d’individualisme, cet enseignement complémentaire regroupe tous les élèves volontaires, tous niveaux confondus d’un établissement autour d’un projet commun fédérateur. Cette pratique collective, où le groupe prime sur l’individu, tout en laissant à ce dernier une place essentielle, où la réussite de chacun passe par celle du groupe, est la seule proposée dans l’enseignement actuellement. L’élève y développe l’esprit de groupe, l’écoute des autres, la solidarité. Enfin, contrairement à l’enseignement spécialisé, elle offre l’opportunité à tous les élèves de pratiquer la musique, sans condition de niveau. La chorale, conjointement avec l’éducation musicale, assume cette mission républicaine d’éducation artistique pour tous. Dans les milieux ruraux ou défavorisés, la chorale s’impose comme la seule pratique collective musicale ouverte à tous.

 

            La chorale, dans l’esprit de la réforme, sait déjà mobiliser les élèves autour d’un projet commun. Elle développe chez chacun de nombreuses compétences énoncées dans le socle commun qu’il serait superflu de détailler ici tant leur mise en oeuvre à la chorale est une évidence (maîtrise des langues, compétences civique et sociale, humaniste, autonomie et initiative). Envisager ces compétences dans ce cadre, c’est aussi permettre aux élèves moins scolaires d’appréhender l’école différemment et de multiplier les chances de réussite. Cet enseignement complémentaire est également un formidable outil d’intégration notamment pour les élèves en difficulté et pour les élèves en situation de handicap.

 

            Or, en cette rentrée 2015, il apparaît que les chorales sont très fragilisées dans les établissements. En effet, si une majorité d’enseignants bénéfice d’une heure dans le service, tel que cela est prévu dans la circulaire d'application des décrets d'août 2014 concernant le service des enseignants1, il s’avère que ce n’est pas le cas de tous. Nous espérons que la rentrée 2016 verra l’uniformisation et le

respect de ce texte dans tous les établissements. De plus, et c’est une inquiétude majeure chez les enseignants d’éducation musicale, la spécificité du travail mené en chorale n’est plus prise en compte dans la rémunération des enseignants. Comme vous l’avez vous-même observé, les compétences, les missions, le travail du professeur d’éducation musicale qui dirige une chorale n’ont pas changé depuis la circulaire de 20112 :

La quotité horaire de référence pour la prise en charge d'une chorale en collège ou lycée reste de deux heures/semaine. La spécificité du travail nécessaire, la fréquente multiplication des répétitions à l'approche de la fin d'année, l'organisation d'un ou plusieurs concerts publics dans un lieu professionnel extérieur et la concertation avec les professionnels associés justifient cette référence. Elle peut cependant être modulée en fonction des constats effectués chaque année et de l'évaluation portée par le corps d'inspection.

 

            Pourtant, il appert à la rentrée 2015 que, dans de très nombreux établissements, la rémunération n’est plus en adéquation avec ces spécificités énoncées et prises en compte dans la circulaire 2011. Les effectifs croissants, les projets de plus en plus ambitieux, pluridisciplinaires, fédérant des partenaires extérieurs sont plus que jamais d’actualité en 2015 mais s’appuient essentiellement sur l’implication généreuse et parfois bénévole des professeurs d’éducation musicale.

 

            Les situations des chorales dont nous avons connaissance suite à une enquête conduite par l’APÉMu auprès des professeurs d’éducation musicale témoignent de grandes disparités de rémunération dans les académies et dans les établissements à la rentrée 2015 et d’une sérieuse fragilisation des pratiques chorales. Les conditions de mise en oeuvre se dégradent et ne permettront plus de conduire des projets ambitieux, de qualité et de poursuivre les missions éducatives républicaines et citoyennes confiées et assumées actuellement par la chorale.

            Ainsi, sollicitons-nous de votre haute bienveillance une audience afin d’envisager ensemble les solutions qui permettront aux enseignants de continuer d’assumer les missions confiées aux chorales.

 

            Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre de l’Education Nationale, l’expression de nos sentiments respectueux et dévoués à une éducation artistique de qualité et à une école républicaine, égalitaire et fraternelle.

 

Anne-Claire SCEBALT

Présidente de l’APÉMu

 

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1 Les heures d'éducation musicale consacrées à la chorale sont intégrées dans le service d'enseignement des enseignants qui en assurent l'animation. Chaque heure de chorale est ainsi décomptée pour sa durée effective.

2 Le chant choral à l’école, au collège et au lycée circulaire n° 2011-155 du 21-9-2011

 

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Lien vers le courrier (PDF)