Semestrialisation : lettre ouverte à Mme la Ministre

Anne-Claire Scebalt

Epinal, le 8 septembre 2015,

 Lettre ouverte à Madame la Ministre de l’éducation nationale

         Madame la Ministre,

Apparemment, il n’est pas d’évidence.

En avril, l’APEMu avait fait part de son désaccord avec la proposition de semestrialisation des heures d’éducation musicale. Notre courrier rappelait très succinctement, puisque ce sont des évidences, que la pratique musicale doit s’inscrire dans « une régularité (au moins hebdomadaire) et dans la durée (à tous les niveaux de l’enseignement) ». La circulaire du 30 juin 2015 rappelle et insiste sur la semestrialisation. Il semble que nous aurions sûrement dû expliciter ce qui nous semblait si évident. 

Le texte indique : « cette souplesse essaie de répondre aux spécificités du travail effectué par les élèves ». Autrement dit, prenant en compte la spécificité de la pratique musicale, l’organisation semestrielle semble plus appropriée. C’est tellement évident ! Ainsi, toutes les pratiques musicales sont organisées de la sorte : les répétitions des musiciens professionnels, amateurs, les pratiques en conservatoire, en MJC, en groupe… Ainsi, les musiciens de n’importe quel peuple, ethnie, ceux des groupes de rock, des chorales, des orchestres, le simple mélomane, pratiquent et écoutent la musique intensivement pendant six mois puis plus du tout. 

Aberration musicale puisque, mettant en jeu la voix, le corps, la pratique musicale en collège, comme la pratique sportive, doit être régulière. Doit-on encore prouver cette évidence ?

Si l’organisation proposée facilite les modalités d’enseignement, pourquoi ne pas l’étendre aux autres disciplines ? En langues par exemple, les élèves apprendraient l’anglais pendant un semestre à raison de 5h30 par semaine puis, au deuxième semestre, une seconde langue. Pourquoi ne pas proposer la même chose en français et en mathématiques, sous forme de cure intensive, 8 heures par semaine pendant un semestre ? Et puis, un jour, une organisation des disciplines par cycle ? 

Aberration pédagogique puisque chacun sait que la régularité est LA condition sine qua non de l’apprentissage, du développement de compétences, de l’acquisition de connaissances.

A l’heure de la transdisciplinarité, après des années où l’éducation musicale a contribué très activement à l’enseignement de l’histoire des arts, la semestrialisation viendrait mettre un coup d’arrêt aux projets communs avec les autres disciplines. Il sera difficile de faire concorder les différents calendriers : les programmes des autres disciplines, les opportunités offertes par structures locales. Espérons que les partenaires pourront « semestrialiser » leur calendrier culturel : expositions de septembre à janvier, concerts et spectacles de février à juin. A contrario, les textes qui posent le cadre de l’éducation artistique et culturelle s’articulent autour de la notion de « parcours » aussi essentielle en pédagogie qu’en pratique artistique. Le champ lexical utilisé est celui d’une action dans la durée.

Incohérence des publications officielles puisque certains invitent à inscrire l’action dans une continuité, dans la durée au-delà des cycles, des établissements alors que la semestrialisation imposera des interruptions longues, des ruptures dans le parcours.

Heureusement reste-t-il une évidence dans cette proposition… Elle est motivée par la recherche toujours plus exigeante d’une formation culturelle et musicale de qualité pour les citoyens de demain… Qui en douterait ?

Je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de mes sentiments respectueux et dévoués à une école et une éducation artistique cohérente et de qualité.

 

                                                           Anne-Claire SCEBALT

Présidente de l’APEMu